Willems, Jean (1895-1970)

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Jean Willems, né à Gand en 1895 et décédé à Bruxelles en 1970, fut directeur (1928-1965) puis président (1965-1970) du Fonds National de la Recherche Scientifique et de nombreuses autres institutions de financement et d’administration de la science en Belgique.


Biographie


Jean Willems est né à Gand, le 15 avril 1895. Il fit ses études secondaires à l’Athénée Royal de Gand, puis entama des études en Philosophie & Lettres à l’Université de Gand, mais celles-ci furent brutalement interrompues par l’éclatement de la Première Guerre Mondiale. Lorsque celle-ci prit fin, Jean Willems ne reprit pas ses études, mais fut engagé comme secrétaire de l’Université libre de Bruxelles. Il fut assisté dans cette tâche par les professeurs Paul Héger et Paul Errera.
À ce poste, il eut la délicate mission de négocier avec la Commission for Relief in Belgium Educational Foundation. Cette fondation américaine privée, fondée par le philanthrope et futur président des États-Unis Herbert Hoover, fit don à l’ULB en 1921 d’une somme équivalente à 15 millions de FB. Cet argent fut investi dans la construction du nouveau campus au Solbosch.


C’est sans doute au cours de ces négociations que Jean Willems rencontra celui qu’il surnomma plus tard son « père spirituel » : le magnat de la finance Émile Francqui. Celui-ci venait alors tout juste de créer la Fondation Universitaire, une institution philanthropique destinée à venir en aide aux chercheurs et aux étudiants nécessiteux. Mais Francqui n’entendait pas en rester là : il poussa ainsi le roi Albert Ier à prononcer son célèbre « Discours de Seraing » du 1er octobre 1927, impulsion décisive à la création du Fonds National de la Recherche Scientifique. Pendant la campagne de collecte de fonds, Willems fut nommé secrétaire-général du Comité de Propagande et du Comité spécial de constitution du Fonds. Le 27 avril 1928, lorsque le FNRS fut officiellement porté sur les fonts baptismaux, Jean Willems en prit la direction, ainsi que celle de la FU (dont il fut vice-président en 1954, premier vice-président en 1950 et président en 1960). Quatre années plus tard, il négocia à nouveau avec la Commission for Relief in Belgium Educational Foundation afin d’obtenir les fonds nécessaires à la création de la Fondation Francqui, dont il fut nommé administrateur-directeur (1932) puis président (1965). En 1934, à son initiative, la Fondation Universitaire et l’Union Minière du Haut-Katanga (UMHK) fondèrent la Fondation nationale du Cancer, dans le but de favoriser la recherche fondamentale et appliquée autour du radium. Le minerai précieux était fourni par la société coloniale. Jean Willems en devint administrateur-directeur.

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Jean Willems et Émile Francqui. Source : Herinneringen aan Jean Willems (1895-1970), Bruxelles, FWO, 1972, p. 7.

Pendant la Seconde Guerre Mondiale, Jean Willems parvint à dissimuler les listes d’étudiants belges produites par le Bureau des Statistiques Universitaires de la Fondation Universitaire, afin de les soustraire à l’Occupant allemand. Celui-ci aurait pu s’en servir pour embrigader de force des jeunes Belges pour le travail obligatoire en Allemagne, ou encore relever les noms et adresses d’étudiants juifs. Les listes furent cachées dans les caves du Musée d’histoire naturelle, sous la garde de Victor Van Straelen. En tant que notable de la haute bourgeoisie belge, Jean Willems fut utilisé par les Allemands comme otage sur les trains (afin de dissuader la Résistance d’attaquer ceux-ci).



Après 1945, Jean Willems conforta sa position au centre du ’système francquiste’, ce réseau de fondations privées d’utilité publique qui gouvernait la recherche en Belgique. Ce système reposait sur les principes d’indépendance par rapport à l’État, de pluralisme politique, d’autogestion par les autorités académiques et les mécènes, et d’autonomie des institutions scientifiques (le Fonds se contente de mettre des financements à leur disposition, sans imposer de directives et sans créer ses propres laboratoires). Symptôme de sa grande influence, Jean Willems fut membre des conseils directeurs d’un grand nombre d’institutions scientifiques ou non-scientifiques, qu’il nous est impossible de mentionner autrement que par une liste :


  • Le conseil d’administration de la Fondation Biermans-Lapôtre (1931). Vice-président en 1939
  • Le conseil d’administration de l’Institut belge de Recherche Radio-scientifique (1930)
  • Le conseil d’administration du Fonds Reine Élisabeth pour l’Assistance médicale aux Indigènes du Congo belge (1930)
  • Le conseil d’administration de l’Institut de Médecine tropicale Prince Léopold (1931-1965)
  • Le conseil d’administration de la Station scientifique internationale du Jungfraujoch (1931), créée avec participation du FNRS et en collaboration avec la Kaiser-Wilhelm-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften de Berlin, l’Akademie der Wissenschaften de Vienne, l’Université de Paris, la Royal Society et la Schweizrische Naturforschende Jungfraubahn-Gesellschaft de Berne
  • La Commission de l’Institut National pour l'Étude Agronomique du Congo belge (1934)
  • La Fondation pour favoriser l’Étude scientifiques des Parcs nationaux du Congo belge (1934)
  • Le conseil d’administration de l’Institut des Parcs nationaux du Congo belge
  • Le conseil d’administration du Fonds Bibliothèque Albert Ier (1935)
  • Le conseil d’administration de la Commission for Relief in Belgium Educational Foundation (1936), rebaptisée Belgian-American Educational Foundation en 1938
  • Le conseil d’administration de l’Office international pour la Protection de la Nature (1936)
  • Le conseil d’administration de l’Institut maritime d’Ostende (1936)
  • Le conseil d’administration de la Commission belge de Coopération intellectuelle (1938)
  • Le conseil d’administration du Comité de surveillance des Musées royaux d’Art et d’histoire (1939-1957)
  • Le conseil d’administration de l’Academia Belgica de Rome (1939). Il en fut vice-président en 1957 et président de 1965 à 1970
  • Le conseil d’administration de la Fondation Père Damien contre la Lèpre (1939-1962)
  • Le Comité belge pour la Hoover War Library (Stanford University, Palo Alto)
  • Le conseil d’administration de la fondation Jeunesse intellectuelle, créée par le baron Louis Empain pour encourager les étudiants à continuer leurs travaux scientifiques après leurs études (au moyen de prix). Jean Willems en devint président en 1958.
  • Le conseil d’administration de fondation Jeunesse belge à l’Étranger, créée pour favoriser la mobilité des étudiants belges et encourager l’apprentissage des langues étrangères (1945)
  • Le conseil d’administration de l’Agence de Presse Belga (1945). Il en devint président en 1955.
  • Le conseil d’administration de l’Institut pour l'encouragement de la Recherche Scientifique dans l'Industrie et l'Agriculture (1945-1962). Jean Willems rédigea lui-même la charte de fondation de ce nouvel organisme de financement de la science appliquée.
  • Le comité de consultation économique et sociale de l’Institut universitaire d’Information sociale et économique (1946)
  • Le conseil d’administration de la Fondation médicale Reine Élisabeth (1946-1966)
  • Le conseil d’administration de la Fondation Hoover pour le Développement de l’Université libre de Bruxelles et de l’Université de Louvain (1946-1968)
  • Le comité permanent chargé de l’Étude et de la Réforme de l’Enseignement Supérieur (1946)
  • Le conseil d’administration de l’Institut pour la Recherche scientifique en Afrique centrale (1947)
  • Président-fondateur de l’Institut interuniversitaire de Physique nucléaire, rebaptisé en 1952 Institut interuniversitaire des Sciences nucléaires. En 1954, Jean Willems entre dans son conseil d’administration. À ces titres, il participa aux conférences à Paris qui aboutirent à la fondation du Conseil Européen pour la Recherche Nucléaire (CERN) le 1er juillet 1953. Il présida successivement le Comité des finances du CERN en 1957, son conseil d’administration de 1957 à 1960, puis enfin le CERN lui-même de 1961 à 1963.
  • La Commission interministérielle pour la Recherche scientifique (1948)
  • Le conseil d’administration de la United States Educational Foundation in Belgium (1948)
  • Le Conseil national du Mouvement européen (1949)
  • Le conseil d’administration du Centre national d’Études et de Recherches aéronautiques, en tant que président
  • Le conseil d’administration de l’Œuvre nationale de Lutte contre le Cancer (fusion de la Ligue Nationale du Cancer et de la Fondation Nationale du Cancer) (1950-1963)
  • La Commission Nationale belge de l’UNESCO (1951-1961)
  • Le conseil d’administration de la Fondation nationale de la Cité universitaire de Paris (1950-1965)
  • Vice-président du Fonds de la Recherche Scientifique Médicale (1947)
  • Administrateur du Centre de Documentation économique et sociale africaine (1957-1961)
  • Le conseil supérieur de la Recherche scientifique en Agriculture (1958-1968)
  • Le conseil d’administration de la Fondation Princesse Marie-José (1958)
  • Le conseil d’administration de la Fondation belge de la Vocation (1959-1966)
  • Président de la Fondation Fernand Lazard (1960)
  • Fondation et membre du conseil d’administration de l’Institut belge pour l'Encouragement de la Recherche Scientifique Outre-Mer (1961-1963)
  • Vice-président du Fonds de la Recherche Fondamentale Collective (1965)


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Jean Willems en 1970. Source : Herinneringen aan Jean Willems (1895-1970), Bruxelles, FWO, 1972, p. 3.


En 1955, Jean Willems fut choisi comme vice-président du Fonds National de la Recherche Scientifique. En 1960, il fut nommé premier vice-président, et enfin, en 1965, président. Son pouvoir était alors au zénith. Décrit comme entièrement dévoué à la science, il dirigeait d’une main de fer les institutions dont il avait la garde, prenant à sa charge tous les aspects administratifs et financiers sans interférer dans les délibérations scientifiques. Le paradoxe était en effet que le patron incontesté des académiques de Belgique n’avait pas de diplôme, et dirigeait par la seule force de ses talents exceptionnels de gestionnaire. Incarnation du FNRS[1], visage de la science en Belgique, il était fier de son indépendance politique et avait une grande influence en coulisses. Il entretenait de bons rapports avec le Palais Royal, protecteur traditionnel des sciences en Belgique, ainsi qu’avec le recteur liégeois Marcel Dubuisson. Ensemble, ils firent campagne pour un refinancement massif de la recherche scientifique à la fin des années 50 et sont à l’origine de la Commission Nationale des Sciences. En son sein, ceux qu’on surnommait ‘les Caïds’ jouèrent un rôle décisif et parvinrent à convaincre le pouvoir politique de l’importance de la science pour le développement économique. Suite aux travaux de cette commission, le Ministère des Affaires culturelles créa un Conseil National de la Politique Scientifique, dont Jean Willems fut vice-président de 1959 à 1964.


Les dernières années de sa vie furent plus difficiles. Le FRNS eut à lutter contre ce que Jean Willems percevait comme un assaut de l’État et du Parti Social-Chrétien contre la liberté de la science. En 1968, il déjoua de peu une tentative de remplacer le FNRS par un ‘Institut National de la Recherche Scientifique’. Il décéda deux ans plus tard.

| Pour en savoir plus sur le rôle du Jean Willems dans la naissance de la politique scientifique en Belgique, consultez cette page puis cette page.


Bibliographie

  • Herinneringen aan Jean Willems (1895-1970) , Bruxelles, FWO, 1972.
  • Dubuisson, M., Mémoires, Liège, Vaillant-Carmanne, 1977.
  • Masure, Jean, « Willems (Jean) » in Biographie nationale, t. 41, . Suppléments, t. 13, Bruxelles, Émile Bruylant, 1979, col. 797-808.
  • Fox, C. R., Le Château des Belges. Un peuple se retrouve, 3e éd., traduction de Weber E.,Bruxelles, Duculot, 1997.
  • Halleux, R. et al., Histoire des sciences en Belgique (1815-2000), t. II, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 2001.
  • Halleux, R., Xhayet, G., La liberté de chercher. Histoire du Fonds national belge de la recherche scientifique, Liège, Éditions de l’Université de Liège, 2007.
  • Bertrams, K. et al., Pour une histoire de la politique scientifique en Europe (XIXe-XXe siècles) : actes du colloque des 22 et 23 avril 2005 au Palais des Académies, Bruxelles, Académie royale des Sciences, 2007.
  • Pirot, P., « La ‘Commission nationale des sciences’ et l’émergence d’un concept de politique scientifique en Belgique » in Malpangotto, M., Jullien, V., Nicolaidis, E., L’homme au risque de l’infini. Mélanges d’histoire et de philosophie des sciences offerts à Michel Blay, Bruxelles, Brepols, 2013. (Coll. « De Diversis Artibus », t. 93).
  • Pirot, P., La dynastie belge et la science, Thèse de doctorat en histoire, inédit, Université de Liège, année académique 2014-2015.
  • Halleux, R. et al., Tant qu’il y aura des chercheurs, Liège, Luc Pire, 2015.


Références

  1. « Certains disent que la raison pour laquelle Jean Willems ne s’est jamais marié, dit-il songeur, est qu’il s’est en fait marié avec le FNRS. » Propos de Jean Willems recueillit par Fox, C. R., Le Château des Belges. Un peuple se retrouve, 3e éd., traduction de Weber E., Bruxelles, Duculot, 1997, p. 57.