Van Diest, Isala (1842-1916)

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Source: Rosadoc.

Nom entier : Anna Catherine Albertine Van Diest. Prénom usuel: Isala.
Première femme médecin en Belgique, née le 7 mai 1842 à Louvain et décédée le 9 février[1] 1916 in Knokke.


Biographie

Isala grandit dans une famille bourgeoise aisée. Son père était un médecin et accoucheur réputé dans la ville. Isala, ses cinq soeurs et son frère étaient ouverts d'esprit et assez instruits. Les enfants partaient souvent en voyage avec leur mère Elisabeth Génie, entre autre en Angleterre, où Madame Van Diest maintenait des contacts étroits avec les milieux progressistes britanniques. Lorsque le seul fils de la famille mourut et que le cabinet de son père se retrouva sans successeur, Isala décida d'étudier la médecine. Comme en Belgique, il n’y avait pas à ce moment-là d’enseignement secondaire pour les filles qui offrait une bonne préparation en vue d'une formation universitaire, elle suivit ses études secondaires dans la ville de Berne en Suisse. Vers 1873, elle revint en Belgique, dans sa ville natale, pour s’inscrire à la faculté de médecine de l'Université de Louvain. C'est la première fois que l’administration de l’Université était confrontée à une demande d’inscription de la part d'une femme. Jusqu'à ce moment, il n’y avait jamais eu d'étudiante féminine dans les facultés universitaires belges et il n’y avait donc aucune femme en possession d'un grade universitaire. Comme prévu, l'inscription d'Isala fut refusée. Le plus surprenant est que plusieurs professeurs - on ne sait pas lesquels exactement- soutinrent sa candidature. Le recteur, Monseigneur Namèche, lui proposa, à titre de règlement à l’amiable, de suivre des études de physiologie et d'obstétrique, afin de devenir sage-femme. Ce poste ne requérait aucun diplôme universitaire et était considéré comme une activité appropriée et naturelle pour une femme, car nécessitant surtout de faire preuve de sollicitude. Selon la loi, les sage-femmes étaient subordonnées au médecin et n’étaient pas autorisées à manier les instruments médicaux. [2] Van Diest refusa.


Préface de la thèse de Van Diest, Hygiène des prisons, 1879, publié par Charles Fonteyn, Louvain.
Après un cours préparatoire en Allemagne pour renforcer son allemand et surtout les mathématiques et son latin, Isala retourna à Berne à l'été 1874. En effet, en 1872, les universités Suisses avaient ouvert leurs portes aux femmes et attiré ainsi beaucoup d’étudiantes étrangères qui n’avaient pas accès aux universités dans leur propre pays. A l’université de Berne, elle commença une formation en sciences naturelles. En 1876, elle obtint son doctorat en sciences naturelles et en 1879 son diplôme de médecine avec une thèse sur l’état d’hygiène des prisons, dans laquelle elle préconisait des réformes du système pénitentiaire; sa thèse s'insérait dans le contexte des grandes réformes du régime des prisons qui prit place au 19ème siècle. Les débats antérieurs sur ce sujet, dans les années 1830 et 1840, étaient principalement axés sur l’aspect pénologique. A partir de la deuxième moitié du 19ème siècle, le point de vue médical en vint à dominer le débat sur les prisons, dans le cadre d'une médicalisation globale de la réflexion sur les problèmes sociaux. [3]


Après ses études, Isala choisit la Grande-Bretagne comme point de chute pour lancer son activité de médecin. Contrairement à la Belgique, la Grande-Bretagne connaissait déjà de nombreuses femmes médecins. La première, Elisabeth Garrett Anderson, avait lancé un cabinet médical en 1866. Ce fut dans le nouvel hôpital pour femmes (New Hospital for Women) d’Anderson qu'Isala travailla plusieurs mois. En 1882, pour des raisons inconnues, elle revint en Belgique afin d'y installer un cabinet médical. Son diplôme suisse n'étant pas reconnu en Belgique, elle dut présenter des examens complémentaires en obstétrique et en chirurgie. Elle fit cela à la Faculté de Médecine de l'Université libre de Bruxelles, qui entretemps, depuis 1880, avec Emma Leclercq, Louise Popelin et Marie Destrée avait accepté les premières étudiantes dans son auditoire. Elle obtint en 1883 le diplôme belge de Docteur en Médecine, chirurgie et obstétrique.


Isala travailla durant un certain temps pour Le Refuge, un centre d'accueil à Bruxelles pour les anciennes prostituées qu’elle avait créé en tant que membre de la Société de moralité publique. La jeune doctoresse était partisane du mouvement abolitionniste international pour la fin de la prostitution. Le séjour en Angleterre et le contact avec le féminisme britannique avaient en outre fait d'elle une fervente militante pour les droits des femmes. Vers 1890, elle fut co-fondatrice d’une association pour l'égalité des droits, qui rejoignit plus tard la Ligue Belge du Droit des Femmes.


Durant une grande partie de sa vie, Isala poursuivit son activité auprès de la Société de moralité publique, ainsi qu'au Refuge, dont elle devint directrice-adjointe en 1886. La même année, en outre, elle ouvrit aussi son propre cabinet médical, pour traiter les femmes et les enfants en particulier. Elle était d’avis que les femmes se sentaient mieux avec une docteresse. Néanmoins, en tant que femme-médecin Isala Van Diest était fort isolée. A ce moment-là, bien que les femmes étaient désormais admises dans les universités et pouvaient obtenir un diplôme, la loi interdisait implicitement ou explicitement[4] d'exercer des professions qui résultaient d'un diplôme. Pour Isala, qui était de facto active en tant que médecin depuis 1882, une exception fut enfin faite en 1884 : un arrêté Royal lui donna l’autorisation d’exercer la la médecine.[5] Néanmoins, sa position n’était pas confirmée mais tout au plus “tolérée”.[6] Parmi les patients d'Isala Van Diest, il y avait essentiellement des femmes issues des communautés anglaise et américaine de Bruxelles. Ce n'est qu'à partir de 1890 qu'elle reçut plus de patients belges, année durant laquelle on donna enfin aux femmes accès au métier de médecin et de pharmacien.


En 1902, l'année de ses soixante ans, Isala se vit contrainte, en raison de l'affaiblissement conséquent de sa vue, de céder son cabinet médical et ses mandats au sein de la Société de Moralité Publique et du Refuge. Elle se retira à Knokke en compagnie de la Baronne Bieberstein, l’ancienne présidente du “Refuge”. En 1914, la ville d’Anvers l'éleva au rang de présidente d'honneur de la section Université et laboratoire de l' exposition “La Femme Contemporaine”.


Publications

  • Hygiène des prisons, Thèse de l'Université de Berne, 1897.


Bibliographie

  • "Femmes remarquables... Isala van Diest" sur le site de Rosa asbl.
  • Hansen, Ingrid, "Isala Van Diest", in: Biographie nationale, partie 18, Bruxelles, 2007, col. 286-296
  • Gubin, Eliane, Jacques, Catherine e.a., Dictionnaire des femmes belges : XIXe et XXe siècles, Bruxelles, 2006, 556.


Notes

  1. Toutes les sources dans la bibliographie ci-dessous mentionnent un date fautive (6 ou 2 février). Akte van Overlijden Isala van Diest. En remerciant Hubert Bovens
  2. Annemie Vanthienen, “Vroedvrouwen, het oudste beroep ter wereld?”, in: Rosa-doc Fact sheet, n°. 45.
  3. Bert Vanhulle, "Dreaming about the prison: Édouard Ducpétiaux and Prison Reform in Belgium (1830-1848)", in: Crime, History & Societies, 14, (2010), n°. 2, 107-130 et Liesbet Nys, Henk de Smaele, Jo Tollebeek et Kaat Wils (red.), De zieke natie. Over de medicalisering van de samenleving 1860-1914, 2002.
  4. Dans le cas de la profession d’avocat, l'interdiction d'exercer était explicite.
  5. Arrêté Royal du 24 novembre 1884, paru dans le “Moniteur Belge” du 27 novembre.
  6. Séance de la Chambre du 29 janvier 1890, 489, intervention Houzeau De Lehai.